L’Association Mondiale de Psychiatrie est devenue  aujourd’hui par sa taille, la plus grande des associations médicales puisqu’elle regroupe la quasi-totalité des associations psychiatriques nationales existantes, et en tous cas toutes celles qui sont représentatives des psychiatries nationales et regroupent ses différents modes d’exercice dans les différents pays du monde.

Forte de cette représentativité exceptionnelle, l’Association Mondiale de Psychiatrie (dont le sigle anglophone – WPA pour World Psychiatric Association- s’est progressivement imposé avec l’élection de l’anglais comme langue de travail) a joué un rôle important dans les orientations de la psychiatrie mondiale en s’illustrant notamment dans différents débats centraux de la deuxième moitié du XXème siècle concernant les droits de l’homme en général et ceux des personnes vulnérables en particulier. Son influence s’est également exercée dans le sens d’une reconnaissance accrue de la place de la psychiatrie et de la santé mentale dans la science en général et la médecine en particulier. Malgré l’importance qu’elle a pris au carrefour des neuroscience et des questions de santé publique dans les différentes régions du globe (Global Mental Health), la WPA a été progressivement désinvestie par la psychiatrie française au fur et à mesure qu’elle réduisait son intérêt pour la clinique individuelle dans laquelle notre psychiatrie s’était plus particulièrement illustrée.

Il est vrai que, tandis que se renforçait l’importance politique de la WPA, notre psychiatrie se trouvait tout particulièrement affaiblie par la multiplicité des sociétés françaises membres de la WPA (toutes celles qui avaient contribué à sa création en 1950, c’est-à-dire 6 , exception psychiatrique française) chacune à ce point soucieuses de leurs particularités et de leur autonomie, que toutes les candidatures françaises pour l’élection dans ces instances étaient découragées voir directement combattus par ceux qui, pour une raison ou une autre, ne partageait pas ces orientations.

Perdant progressivement toutes les places qu’elle avait occupées dans les instances dirigeantes de la WPA, la psychiatrie française disparaissait presqu’entièrement de cette association pendant près de 20 ans. Et ce n’est qu’après la création de la Fédération Française de Psychiatrie qu’elle pouvait commencer à tenter de reprendre sa place dans la WPA autour de l’organisation du congrès du Jubilé à Paris en 2000 , puis d’une meilleure coordination des efforts des associations françaises membres de la WPA. Plusieurs collègues jouaient alors un rôle significatif dans la création de plusieurs sections de la WPA (Psychanalyse en Psychiatrie, Psychiatrie Périnatale) et dans le fonctionnement de plusieurs autres (Classification, Gerontopsychiatrie, Épidémiologie par exemple). Cette présence scientifique et clinique, nous permettait de contribuer significativement à l’élection du Pr Mezzich en 2002 puis, avec Antoine Besse et Nicole Garret, de prendre une place remarquée dans le programme institutionnel pour la psychiatrie centrée sur la personne que le Pr Mezzich mettait en place dès sa prise de fonction, en nous appuyant en particulier sur les fonctions de représentant de la Zone Europe de l’Ouest que j’occupais d’abord de 2005 à 2008 puis à nouveau de 2014 à 2017. Nous retrouvions progressivement, alors, l’influence politique que nous n’aurions jamais du perdre.

Remarqués pour les efforts que nous faisions pour appuyer notre retour sur une promotion d’une clinique faisant une plus grande place aux approches dynamiques et développementaux, nous avons ainsi contribué au véritable virage qu’a constitué l’élection du comité exécutif de 2014 avec l’arrivée aux places dirigeantes de collègues beaucoup plus ouvert à ces courants et aux dimensions humanistes. Et c’est tout naturellement que nos candidatures (Michel Botbol au comité exécutif comme secrétaire aux publications scientifiques et Gisèle Apter comme représentante de la zone Europe de l’Ouest) ont été reçues avec un succès particulièrement net (plus de deux tiers des suffrages) lors de l’Assemblée Générale de 2017, avec le soutien sans faille de l’ensemble des société françaises membres de la WPA et malgré les réserves que pouvait susciter dans certains pays d’Europe, notre engagement déterminé en faveur d’une clinique ouverte aux approches subjectifs, développementaux et relationnels.

Ces mêmes orientations continuent de constituer un obstacle limitant pour l’efficacité de notre représentation au sein de cette association. Cela affecte significativement l’organisation de la représentation de la Psychiatrie Française au sein de la (petite) part que la gouvernance de l’European Psychiatric Association accorde aux associations nationales représentatives de la psychiatrie (pour la France la FFP représentée par Gisèle Apter). Il faut néanmoins noter l’élection régulière de psychiatres français comme membres du bureau de l’EPA dont deux fois, ces dernières années, à sa présidence ; mais, par différence avec la WPA, il s’est toujours agi de membres individuels de l’EPA, engagés à titre personnel dans son fonctionnement, ce qui limite bien sûr, leur représentativité et celle de l’EPA tant qu’elle ne réformera pas ses statuts pour donner plus de place aux associations nationales représentatives de psychiatrie. En témoigne d’ailleurs les thèmes de ses congrès et de ses enseignements dont l’orientation est certainement plus académique et moins diversifiée que celle des associations analogues dans les autres continents.

Les difficultés de représentation sont encore plus criantes en ce qui concerne l’UEMS dans laquelle elles ont abouti à une quasi disparition de la psychiatrie française au grand dam de nos collègues européens qui y voient un facteur de vulnérabilité pour leur mission principale : influer sur les décisions des états membre de la communauté européenne dans l’établissement des programmes d’enseignement et les diplômes qualifiant concernant les spécialités médicales. Au croisement de problèmes de financement et de désignation de nos représentant cela a abouti à ce que la section de psychiatrie générale n’a aucun représentant pour la France et celle concernant la pédopsychiatrie admet une pédopsychiatre française comme invitée sans droit de vote car, si elle a été désignée par une des société membre de la FFP, elle n’a pas été agréée par l’instance chargée de la nomination de nos représentants (un syndicat membre de la Confédération des Syndicats Médicaux Français)

Brest le 14 Décembre 2018
Pr. Michel Botbol